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« Ce client, on ne peut pas le relancer… c’est un gros compte. »
C’est la phrase que m’a lancée, presque en s’excusant, un dirigeant d’entreprise la semaine dernière lors d’un échange. Il parlait d’un client “stratégique” : un nom prestigieux, représentant à lui seul une part significative du chiffre d’affaires. Et donc, forcément, il fallait marcher sur des œufs.
Cette phrase, je l’ai entendue des dizaines de fois. Elle semble anodine, presque logique. Mais elle est en réalité le symptôme d’un profond déséquilibre dans la relation commerciale. Et ce déséquilibre, quand il touche la trésorerie, peut faire beaucoup plus de dégâts qu’un simple impayé.
C’est précisément ce que nous allons explorer dans cet article.
Le “gros client” : entre fantasme et dépendance
Dans l’imaginaire collectif de nombreuses entreprises, signer avec un “gros client” est une victoire en soi.
On y voit immédiatement :
✔️ une promesse de chiffre d’affaires récurrent,
✔️ un gain de crédibilité pour rassurer les autres prospects,
✔️ une forme de sécurité.
Mais cette perception flatteuse masque souvent une dépendance dangereuse. Car plus un client prend de place dans votre portefeuille, plus il prend de poids dans vos décisions.Et ce pouvoir, certains n’hésitent pas à l’exercer :
📌 délais de paiement étirés,
📌 clauses déséquilibrées,
📌 négociation agressive sur les prix,
📌 processus de validation internes kafkaïens.
Le pire ? Ces clients savent très bien que vous n’oserez pas taper du poing sur la table. Et ils jouent sur cette inertie.
C’est là que le fantasme du “gros compte” devient une prise d’otage silencieuse.
Et c’est exactement ce qu’il faut déconstruire pour reprendre la main.
Pourquoi on n’ose pas les relancer

Lorsqu’un grand compte commence à allonger ses délais de paiement, la tentation est forte de ne rien dire.
Pourquoi ? Parce que personne ne veut prendre le risque de “casser” la relation.
- Côté direction commerciale, on craint de compromettre un futur contrat, une reconduction, un avenant.
- Côté ADV ou finance, on n’a pas toujours le poids hiérarchique ou politique pour challenger un client stratégique.
- Côté dirigeants, on préfère parfois fermer les yeux sur quelques retards pour “préserver la relation”.
Mais cette prudence apparente est en réalité une forme de renoncement.
Quand on n’ose plus relancer un client parce qu’il est “trop important”, ce n’est pas de la diplomatie : c’est un aveu de dépendance.
Et ce flou relationnel est dangereux :
- pas de relance = validation tacite du retard.
- validation tacite = nouveau standard.
Autrement dit : plus vous attendez, plus vous légitimez un comportement qui vous pénalise.
Ce que ça coûte réellement de ne pas relancer
Ne pas relancer un client sous prétexte qu’il est “trop important”, ce n’est pas un choix neutre.
C’est une décision qui a un coût. Et ce coût, il est rarement visible immédiatement… mais il est bien réel.
Premier impact : la trésorerie.
Prenons un exemple simple : si un client vous doit 100 000 euros et qu’il paie avec 45 jours de retard, c’est 100 000 euros que vous ne pouvez pas utiliser.
Pas pour investir, pas pour payer vos charges, pas pour sécuriser un nouveau contrat.
Multipliez ça par plusieurs clients et vous avez une tension de trésorerie qui devient structurelle.
Deuxième impact : l’effet domino interne.
Quand la direction commerciale laisse passer, la finance s’épuise, l’ADV se démobilise, et les équipes se disent que le respect des délais n’est finalement pas si important.
Troisième impact : la norme implicite.
Plus vous laissez faire, plus le retard devient un usage. Et ce qui était une exception devient un fonctionnement.
À force de ne pas relancer, vous ne défendez plus vos droits. Vous les abandonnez.
Reprendre la main : comment recadrer un grand compte en douceur
Relancer un grand compte ne signifie pas entrer en conflit. C’est souvent l’idée qui paralyse les équipes : la peur de créer de la tension. Or, tout est une question de posture et de méthode.

La première étape consiste à sortir de la logique de relance isolée pour créer un véritable moment de dialogue.
Proposez un rendez-vous, à froid, en dehors de toute urgence. Positionnez-le comme une réunion de coordination.
Objectif : fluidifier la collaboration et améliorer les délais de traitement administratif. Rien de menaçant.
Lors de cet échange, commencez par poser les faits.
Présentez les délais contractuels convenus, puis les délais de paiement réellement constatés sur les derniers mois.
Le but n’est pas de pointer du doigt, mais d’objectiver la situation.
Ensuite, ouvrez l’échange : quelles sont les causes internes de ces retards ? Où le processus se bloque-t-il chez eux ?
C’est souvent dans ces moments-là qu’apparaissent des solutions simples : une meilleure validation des bons de commande, une clarification des circuits de signature, ou un calendrier de facturation plus lisible.
Enfin, formalisez les engagements.
Établissez ensemble un protocole de suivi, un calendrier réaliste, et si nécessaire, révisez les conditions générales ou les modalités de paiement.
Reprendre la main, c’est remettre du cadre, pas mettre de la pression. Et c’est souvent ce que les grands comptes attendent : une posture claire et assumée.
Changer la culture interne autour de la relance client
L’un des freins les plus puissants à une gestion efficace des délais de paiement vient souvent… de l’intérieur.
Dans beaucoup d’entreprises, la relance client est encore perçue comme un acte agressif, presque comme une faute de goût dans la relation commerciale.
Il est donc essentiel de faire évoluer la culture d’entreprise sur ce sujet.
Première étape : dédramatiser la relance.
Relancer, ce n’est pas manquer de respect au client. C’est simplement faire respecter un engagement. Une facture, c’est un contrat. Et un contrat engage les deux parties.
Deuxième étape : former les équipes.
Les commerciaux doivent intégrer les enjeux de trésorerie dans leurs réflexes. Ils ne sont pas là pour encaisser les paiements, mais ils ont un rôle clé dans la prévention.
Troisième étape : décloisonner les services.
La gestion des délais de paiement ne peut pas être uniquement portée par la finance ou l’ADV. C’est une responsabilité partagée, qui doit s’inscrire dans un process global.
Changer la culture interne, c’est poser les bases d’une relation client saine, équilibrée et durable.
Conclusion : le respect n’est pas une option
Un client qui paie en retard n’est pas un client stratégique. C’est un client à surveiller. Car un bon client, ce n’est pas celui qui génère le plus de chiffre d’affaires. C’est celui qui respecte ses engagements, et avec qui la relation est équilibrée. Ne pas oser relancer un grand compte, c’est accepter une forme de soumission commerciale.
Et à long terme, c’est mettre en danger la trésorerie, l’organisation, voire la pérennité de l’entreprise. Reprendre le contrôle ne passe pas par le conflit, mais par la clarté. Clarté sur les délais, sur les attentes, sur les conséquences. Même un grand compte a des obligations. Et les faire respecter, ce n’est pas manquer de diplomatie.
C’est faire preuve de professionnalisme.
Et pour rencontrer de vrais professionnels pour vous accompagner, contactez-nous !

Cédric Brun, Fondateur Associé Recouvéo
Expert Credit management, Cédric Brun a cofondé avec Lionel Rabayrol le groupe Recouvéo en 2013 pour aider les dirigeants et leurs services financiers (DAF, comptabilité, etc.) à optimiser leur stratégie. Il les assiste efficacement sur tout le processus recouvrement de créances et Credit Management.
Pour les accompagner, il s'appuie sur les nouvelles technologies, mais pas seulement. Sa maîtrise de l'expertise comptable, acquise pendant près de 8 ans au sein du cabinet Mazars, est un véritable atout pour obtenir des résultats.
"Avec Recouvéo, mon objectif est à la fois de générer de la trésorerie à très court terme, mais aussi de sécuriser leur activité durablement."