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Chaque dirigeant d’entreprise a déjà été confronté à ce dilemme : que faire lorsqu’un client ne paie pas ? Faut-il privilégier le dialogue, tenter de trouver un arrangement et éviter de « casser » la relation commerciale ? Ou, au contraire, faut-il engager une procédure judiciaire pour donner du poids à sa demande et sécuriser la créance ?
Ces questions sont d’autant plus critiques que les impayés mettent directement en péril la trésorerie, le financement du développement et parfois même la survie de l’entreprise.
Le recouvrement amiable et le recouvrement judiciaire sont deux voies complémentaires. Mais encore faut-il savoir quand passer de l’une à l’autre. Car attendre trop longtemps peut coûter cher … tandis qu’aller trop vite en justice peut se révéler contre-productif.
Cet article a pour objectif de vous donner des repères clairs et concrets pour prendre la bonne décision au bon moment.
Le recouvrement amiable : souplesse et efficacité

Le recouvrement amiable consiste à obtenir le règlement d’une créance sans passer par la justice. Concrètement, il s’agit de relancer le débiteur (courrier, téléphone, email), d’envoyer une mise en demeure, ou encore de mandater un tiers spécialisé (cabinet de recouvrement, huissier en amiable).
Ses avantages sont nombreux :
- Rapidité : la démarche peut être enclenchée dès le premier retard de paiement.
- Coût réduit : pas de frais d’avocat ni de procédure.
- Préservation de la relation commerciale : une approche souple permet parfois de conserver le client, surtout si les difficultés sont passagères.
- Flexibilité : possibilité de négocier un échéancier, d’obtenir un paiement partiel, voire de trouver un arrangement satisfaisant pour les deux parties.
Mais l’amiable a aussi ses limites. Si le débiteur est de mauvaise foi, il jouera la montre. Sans contrainte légale, le créancier reste désarmé. Pire, certains débiteurs chroniques savent parfaitement exploiter les failles du système : ils promettent de payer, relancent eux-mêmes la discussion, repoussent l’échéance… jusqu’à user la patience du créancier.
Le recouvrement amiable est donc la première étape logique et souvent efficace. Mais il ne doit pas devenir une attente passive.
Le recouvrement judiciaire : quand la justice s’invite
Lorsque l’amiable échoue, il reste une option : saisir la justice. Le recouvrement judiciaire consiste à obtenir un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision de justice qui reconnaît la dette et autorise des mesures coercitives (saisie bancaire, saisie sur salaire, saisie de biens).
Les principales procédures sont :
- L’injonction de payer : rapide, peu coûteuse, elle s’applique à la majorité des créances contractuelles.
- Le référé-provision : une procédure accélérée pour obtenir une provision sur une créance non sérieusement contestable.
- L’assignation au fond : plus longue et plus lourde, mais adaptée aux litiges complexes.
Les avantages du judiciaire :
- Force contraignante : le débiteur ne peut plus se contenter de promesses.
- Effet psychologique : recevoir une assignation ou un jugement change la donne.
- Accès aux saisies : le créancier peut récupérer sa créance directement via les comptes bancaires ou les biens du débiteur.
Les limites :
- Délais : une décision peut prendre plusieurs mois, voire plus d’un an.
- Coûts : frais d’avocat, d’huissier, consignations éventuelles.
- Risque d’insolvabilité : même avec un jugement favorable, si le débiteur est insolvable, la victoire reste théorique.
Le recouvrement judiciaire est donc une arme puissante, mais elle doit être utilisée avec discernement.
Critères pour choisir entre amiable et judiciaire
La vraie question n’est pas de savoir si l’amiable est « mieux » que le judiciaire, mais quand passer de l’un à l’autre.

Voici les principaux critères de décision :
Le montant de la créance
- Petite créance (moins de 2 000 €) : souvent mieux de rester en amiable, sauf si le débiteur est clairement de mauvaise foi.
- Grosse créance : l’enjeu justifie d’aller en justice rapidement.
Le profil du débiteur
- Difficultés passagères → privilégier l’amiable.
- Mauvaise foi manifeste, historique de retards → aller au judiciaire.
L’urgence pour la trésorerie
- Si la créance représente un risque vital pour l’entreprise, l’action judiciaire doit être enclenchée vite.
- Sinon, on peut se permettre une phase amiable plus longue.
La relation commerciale
- Client stratégique, partenariat à long terme : il est préférable de préserver la relation.
- Client occasionnel ou à problème : la fermeté est préférable.
Une grille simple :
- Phase amiable courte (30 à 60 jours max) avec relances + mise en demeure.
- Si absence de paiement → transfert à une société de recouvrement pour une phase amiable pré-contieuse externalisée
- Si absence de paiement → bascule au judiciaire.
- Toujours vérifier la solvabilité du débiteur avant d’engager des frais.
Conclusion
Le recouvrement n’est pas un choix binaire entre douceur et fermeté. C’est une progression logique : commencer par l’amiable, basculer rapidement au judiciaire si nécessaire.
Les deux démarches sont complémentaires. Le recouvrement amiable permet de préserver les relations et de limiter les coûts. Le recouvrement judiciaire apporte la contrainte et la sécurité juridique.
La clé est de ne pas attendre trop longtemps. Beaucoup d’entreprises perdent de l’argent non pas parce que leurs débiteurs sont insolvables, mais parce qu’elles ont retardé le passage au judiciaire, laissant le temps filer et la trésorerie s’évaporer.
En matière de recouvrement, la meilleure stratégie n’est pas d’être patient ou d’être brutal, mais de savoir exactement quand franchir la ligne.